Le « data mining », terme anglais signifiant l’extraction de données sur internet a été à l’origine d’importantes découvertes sur le fonctionnement de l’organisation État Islamique. Une étude de deux chercheurs de l’Université de Californie du Sud à Los Angeles, Adam Badawy et Emilio Ferrara, a permis d’analyser les tweets envoyés par les comptes Twitter de 25 000 membres de Daesh.
L’organisation État islamique a fait des réseaux sociaux une de ses armes d’expansion les plus efficaces, les discours extrémistes pouvant proliférer sans entraves sur les plus connus d’entre eux : Facebook, Twitter ou Google. Le 20 juillet dernier, une mission d’information sur les moyens de Daesh remettait un rapport alarmant au président de l’Assemblée nationale, M. Claude Bartolone. Il avertissait « (les réseaux sociaux) doivent se doter d’outils et d’équipes performantes pour lutter contre la prolifération des discours extrémistes, et ne sauraient se limiter, comme aujourd’hui, à une attitude passive qui consiste à simplement retirer les contenus signalés par les internautes ou les autorités ».
Un des facteurs de la rapide expansion de l’organisation État Islamique a donc été l’usage des réseaux sociaux pour relayer son idéologie auprès de nouveaux fidèles et coordonner la mise en place de ses actions. Cela a conduit deux chercheurs américains à étudier la rhétorique employée par Daesh sur les réseaux sociaux. Entre janvier et juin 2015, ils ont réussi à identifier manuellement 25 000 comptes Twitter détenus par des activistes de l’organisation de l’État islamique, pour un total de 1,9 million de messages échangés entre eux. Disséqués puis classifiés, ces messages ont permis de repérer les mots les plus fréquemment utilisés par les djihadistes. Résultat : les problématiques relatives à la violence et à la religion composent environ 30% de ces tweets, une proportion élevée par rapport aux autres organisations islamistes.
Pour ces chercheurs, cette proportion est la preuve que Daesh s’est singularisée par rapport aux autres groupes islamistes, en transformant son objectif et sa raison d’être. Oussama Ben Laden, à la tête d’Al-Qaïda et organisateur des attentats du 11 septembre 2001 à New York, appelait avant tout à détruire les Etats-Unis et ses alliées afin de libérer le « monde musulman ». Les musulmans du Moyen-Orient y étaient dépeints comme David face au Goliath américain. Quant à elle, l’organisation État islamique a construit un message avant tout basé sur la violence, et se refuse à donner d’elle-même l’image d’une organisation opprimée par les américains, préférant insister sur son esprit de conquête. En se distinguant ainsi d’un djihadisme dit « traditionnel » porté par Ben Laden, l’organisation État islamique souhaite attirer de jeunes combattants, en leur offrant un objectif excitant et en leur promettant de glorieuses victoires au combat. Un objectif qui semble fonctionner puisqu’on estime que 7000 à 8000 occidentaux sont partis faire le djihad en Syrie depuis 2011.