Café interdit aux femmes : l’intox de France TV démontée par le Bondy Blog

Le sujet diffusé au JT de France Télévision le 7 décembre 2016, intitulé « Quand les femmes deviennent indésirables dans les lieux publics », a suscité une immense polémique qui n’en finit pas de resurgir sur fond de campagne électorale. Pratiquement tous les responsables politiques ont livré leurs commentaires, dépités, consternés, virulents pour la plupart, les uns fustigeant la montée en flèche du communautarisme, les autres dénonçant cet « islam politique » qui sévit en plein coeur de nos quartiers.

Le reportage de France TV :

Dans ce reportage, on voyait des femmes se faire intimer l’ordre de ne pas pénétrer dans un café de Sevran (93) « parce que dans ce café, y’a pas de mixité ». On entendait aussi un homme dire : « T’es dans le 93 ici, t’es pas à Paris! Ici c’est une mentalité différente, c’est comme au bled! ». Choquant, donc.

Les réactions ont été immédiates, comme ici Eric Woerth :

Interrogé une dizaine de jours après sa diffusion, Benoit Hamon avait eu une réaction plus pondérée : « Historiquement, dans les cafés ouvriers, il n’y avait pas de femmes… », avait-il dit. Puis de poursuivre : « Là en l’occurrence on parle de cafés à Sevran, parce qu’on estime que l’espace public est confisqué aux femmes parce qu’il serait à majorité musulmane. Remettons des questions sociales avant de mettre des questions religieuses sur ces sujets-là ».

Cette réaction, jugée trop timorée face au « communautarisme » et à l’explosion de l’islam radical, avait suscité une avalanche de critiques :

Sauf que ce reportage était, en gros, un bidonnage. Dans une excellente contre-enquête, le Bondy Blog s’est efforcé de rétablir la vérité.

En fait de lieu interdit aux femmes, on découvre un bar PMU au contraire accueillant, aux clientes fidèles, très loin du cliché mis à l’image dans le reportage de France Télévision. Pour le Bondy Blog, l’une des deux auteures de la caméra cachée qui avait fait polémique, Nadia Remadna, membre de la “Brigade des mères”, a accepté de revenir sur les faits : « Ni moi, ni Aziza n’avons dit qu’il n’y avait aucune femme qui rentrait dans ce bar. Ce sont les politiques qui ont ensuite surenchéri. Je ne suis pas responsable de ce que disent les gens », a-t-elle déclaré. Le propriétaire du bar, Amar Salhi, regrette, lui, d’avoir « confié une caméra cachée à une tierce personne sans ensuite faire son travail de vérification ».

« La séquence qui vise le bar PMU est clairement à charge et le commentaire de la journaliste de France 2, Caroline Sinz, sans équivoque ». Elle décrit un “bar où il n’y a que des hommes, pas très accueillants”, où “les hommes rejettent les femmes” », raconte le Bondy Blog, qui ajoute que « l’affaire avait été l’objet d’instrumentalisations politiques de tous bords notamment durant la campagne de la primaire à gauche, devenue, encore aujourd’hui,  objet de réactions et commentaires politiques et médiatiques quasi quotidiens, le bar en question étant décrit comme une preuve de la manifestation de l’islamisme radical dans les quartiers. Deux mois plus tard, nous avons voulu aller voir de nos propres yeux ce qu’il en était. Au total, nous nous y sommes rendues à quatre reprises dont deux sans prévenir de notre arrivée, et à chaque fois, nous y sommes restées plusieurs heures. »

Un café interdit aux femmes, alors ?

Le café est fréquenté régulièrement par des femmes, réfute l’enquête du Bondy Blog. « Il y a par exemple Hélène, une voisine qui vient au Jockey Club “chaque jour”. Cette Sevranaise serre des mains, fait la bise à ceux qu’elle connaît bien, rit avec Moustafa, un autre client régulier et dit s’y sentir chez elle. “Ici, je discute, je bois mon café, j’achète mes jeux. Jamais on ne m’a mal parlé, jamais on ne m’a manqué de respect. Et je vous assure que si cela avait été le cas, je ne me serais jamais laissée faire et je sais aussi que ni le patron, ni les clients ne l’auraient accepté”.

Dans un post publié sur Facebook, Nassira El Moaddem, la directrice du Bondy Blog, résume la situation :

Autrement dit, c’est l’histoire d’une grosse intox, créée et diffusée par une chaîne du service public.

Voir la contre-enquête du Bondy Blog ici

Par La rédaction

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