Mozilla, l’éditeur du navigateur Firefox a annoncé le 9 août dernier son intention de batailler plus efficacement contre les fake news. Pour se faire, le Mozilla Information Trust Initiative a été lancé avec pour but de guider les Internautes dans la jungle des publications. Après les initiatives de Facebook et Google après les élections présidentielles américaines, le temps est à la lutte contre de fausses nouvelles qui ont parfois des conséquences terribles en dehors des écrans.
Plusieurs grands acteurs de l’internet travaillent depuis plusieurs mois à stopper l’influence des articles mensongers sur la toile. L’élection présidentielle américaine et la victoire de Donald Trump ont accéléré cette prise de conscience. L’an dernier, la campagne avait été littéralement polluée par une pléiade de « fake news » : Hillary Clinton serait gravement malade, son entourage serait impliqué dans des affaires de pédophilie… Autant de rumeurs qui se sont propagées sur les réseaux sociaux et qui ont probablement eu un impact décisif au moment du vote. Une évolution du web qui a entraîné un chamboulement dans la manière de percevoir le Net même chez les géants de la Silicon Valley.
Débusquer à défaut de censurer
Facebook fut a ses dépens un grand catalyseur de ces « fake news » et a décidé de réagir afin de ne pas perdre la confiance de ses utilisateurs et de préserver ses revenus. Les ingénieurs californiens ont vite établi que la censure pure et simple serait soit impossible soit contre-productive, car elle donnerait mécaniquement du grain à moudre aux théories les plus conspirationnistes. Facebook, suivi de près par Google, a mis sur pied un autre système dans lequel les informations jugées peu crédibles et biaisées seraient soumises à la sagacité des internautes et surtout des rédactions de médias reconnus pour leur sérieux. Une fois repérée, la fake news est marquée par un bandeau spécifique et les algorithmes évitent de la relayer davantage.
Désormais, avec le lancement du Mozilla Information Trust Initiative, Firefox entre dans la danse et cherche à limiter au maximum le pouvoir de nuisance que ces « articles » peuvent avoir sur la vie politique, sociale ou économique. Mozilla va tenter de repérer en amont les fausses informations et les faire disparaître de son moteur de recherche. En France, la presse se mobilise. Huit journaux, dont Le Monde, se sont alliés à Facebook dès le début de l’année afin de faire le tri dans les sites et les actualités suspects. Lorsqu’au moins deux médias partenaires concluent à une « fake news », un bandeau est inséré pour avertir les lecteurs.
Les journaux ont aussi pris la voie du fact checking avec des initiatives comme « Désintox » de Libération et « les Décodeurs » du Monde : des rubriques particulières des sites web des deux quotidiens nationaux, centrées sur la vérification et l’infirmation des rumeurs qui circulent sur la toile ou proférées par des responsables politiques.
Des rumeurs parfois dangereuses pour la santé publique
C’est le propre d’une « bonne rumeur » : elle se propage vite et arrive à convaincre profondément en semant le doute sur la version « officielle » défendue par les autorités ou les médias dominants. Depuis plusieurs années, la vaccination est l’un des sujets favoris des complotistes qui pullulent sur la toile. De pseudo-études scientifiques circulent sur internet et accusent les vaccins d’être dangereux ou inefficaces. Résultat : des parents mal informés mettent en péril la vie de leurs enfants en n’autorisant pas les médecins à inoculer leur progéniture. Plusieurs décès ont déjà été signalés ces dernières années, des drames qui auraient pu facilement être évités si ces « fake news » ne gravitaient pas sur le web.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, déplore « une méconnaissance » de « Français sensibles au complotisme ». La volonté de la nouvelle ministre de rendre onze vaccins obligatoires (contre trois actuellement) dès 2018 pour les enfants de moins de deux ans a été à l’origine d’une campagne anti-vaccin qui défie tous les savoirs scientifiques et le devoir de protéger les plus fragiles. La santé est un terrain particulièrement propice aux rumeurs, car elle concerne tout le monde et le manque de connaissance scientifique et médicale chez la plupart des internautes permet de faire germer les théories les plus folles et parfois les plus dangereuses.
C’est le cas de la vaccination, mais aussi de la technologie avec le nouveau compteur électrique d’Enedis en cours de déploiement dans les foyers français. Depuis plusieurs années, une myriade d’association et de groupes radicaux se mobilisent contre l’installation du compteur. Les blogs décrivant les effets cancérigènes de Linky se comptent par dizaines et ont une telle influence que certaines agglomérations (de petite taille) ont adopté des arrêtés municipaux qui interdisent la pose dudit compteur. En plus d’être en non-conformité avec la loi, ces arrêtés reprennent les théories les plus loufoques des anti-Linky, lesquelles reposent sur des évaluations qui n’ont rien de scientifique. Les pouvoirs publics et agences indépendantes ont démontré l’innocuité de ce simple appareil sans être réellement compris par une minorité arc-boutée sur sa propre version de la vérité.
Face à une rumeur qui s’emballe, il est bien difficile de faire entendre une voix sereine. Lorsque France Inter a diffusé un reportage dans lequel les atouts de Linky étaient mis en évidence (gestion de l’électricité plus rapide et moins coûteuse, délais d’intervention très courts en cas de problème, aucun coût d’installation à supporter pour le consommateur, etc.), les journalistes radio ont été accusés par des dizaines d’internautes d’avoir été « corrompus par Enedis ». Des critiques sourdes aux apports scientifiques qui démontraient dans le même reportage l’absence de rayonnement cancérigène du compteur.
Après la politique, c’est bien la science qui semble être le nouveau terrain de jeu des complotistes du web. Les moteurs de recherches auront fort à faire s’ils veulent limiter l’audience des thèses radicales et farfelues maquillées derrière un vernis scientifique.