La Libye est aujourd’hui le théâtre d’une situation politique et sécuritaire chaotique. Dans ce contexte, les migrants subsahariens payent le prix fort et des pratiques d’un autre âge refont surface…
Situation actuelle de la Libye
Après une dictature de 42 ans, la Libye se trouve aujourd’hui dans une phase de transition très difficile. En effet, depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, c’est un pays morcelé où la violence et les affrontements sont endémiques.
C’est aussi un pays coupé en deux depuis 2011. Installé par l’ONU en 2015, le gouvernement d’union de Fayez el-Sarraj ne tient que l’ouest du pays. À l’est, les troupes du maréchal Khalifa Haftar ont fait main basse à l’automne sur les terminaux pétroliers et contrôlent le poumon économique du pays.
Victime d’une insécurité persistante, d’une économie en lambeaux et de rivalités politiques incessantes, les affrontements entre les forces pro-gouvernementales et les rebelles se multiplient. La situation sécuritaire et humanitaire est désastreuse. Cette instabilité favorise le développement et l’installation de groupes terroristes et criminels. Aujourd’hui la Libye est devenue une plaque tournante en Afrique du nord de trafics d’armes et d’êtres humains impliquant tous les migrants qui passent par Tripoli.
Migrants en Libye : double pénitence
Beaucoup de migrants subsahariens passent par Sabha, Misrata, Sabratha ou Tripoli dans l’espoir de rejoindre les côtes italiennes. Mais la Libye n’est qu’un pays de transit pour ces migrants, le but est d’y passer le moins de temps possible. Pourtant, la majorité se retrouvent bloqués, mais aussi fréquemment violentés. Des femmes sont violées ou forcées à se prostituer. Les migrants sont considérés comme de la matière première dans la guerre que se livrent les milices.
Globalement, les migrants sont détenus par des groupes armés libyens. Ensuite, ces groupes demandent des rançons aux familles. Si les rançons sont payer, le migrant est libre. Si la rançon n’est pas payer c’est une autre échappatoire… Et cette situation peut se reproduire autant de fois que le migrant se fera arrêter par ces milices. Un cauchemar sans fin.
Joanne Liu, présidente de Médecins Sans Frontières, déclare lors de son retour de Libye : « Des centres de détention où les gens sont retenus par la force, dans des conditions insalubres, les uns sur les autres et où ils sont régulièrement soumis à de la violence arbitraire, de la violence gratuite. On parle de maltraitance mais on parle aussi de tortures et de viols. »
Des migrants vendus aux enchères sur un marché aux esclaves
Dans ce contexte, des pratiques d’un autre temps refont surface, comme l’esclavage, ainsi que l’a révélé une vidéo de CNN qui a fait le tour du monde et suscité une indignation planétaire :
Les politiques européennes complices malgré elles ?
La situation des migrants subsahariens s’est davantage compliquée lorsque la route maritime vers l’Italie s’est brusquement fermée mi-juillet 2017. De plus, l’Italie et l’Union européenne ont commencé à former et équiper la garde côtière libyenne pour arrêter les bateaux de migrants et renvoyer les gens en Libye avant qu’ils n’atteignent les eaux internationales. Des décisions politiques qui ont de graves répercussions sur la traite des êtres humains et qui aggravent la situation des migrants dans ce pays, où ils voient leur chance de le fuir s’amoindrir.
"Ce que nous examinons est une situation où les efforts de l'UE pour arrêter les bateaux signifie que de plus en plus de personnes sont piégées dans des abus horribles", a déclaré Judith Sunderland, directrice adjointe de HRW pour l'Europe et l'Asie centrale.
Intervention de l’ONU, facilement critiquable…
L’agence des nations unies pour les réfugiés (HCR) a exfiltré pour la première fois de Libye des réfugiés africains vers le Niger. Un groupe de 25 migrants originaires d’Érythrée, d’Éthiopie et du Soudan est concerné par le dispositif. Ils seront tous hébergés dans une maison à Niamey, la capitale nigérienne, le temps que leurs demandes de réinstallation soient examinées.
Une opération rendue possible grâce à des accords signés entre les autorités libyennes er nigériennes. Cette opération, est une première et devrait être reconduite. En effet, l’agence des nations unies pour les réfugiés espère effectuer plus d’évacuations.
« Il est clairement nécessaire de créer davantage de moyens réguliers et sûrs afin de permettre aux réfugiés de trouver la sécurité et la protection internationale, et de s'attaquer aux causes profondes du déplacement des réfugiés », a souligné l'Envoyé spécial du HCR.