On le connait en Occident sous le nom d’Averroès. En arabe, c’est Ibn Rushd. Né à Cordoue au 12ème siècle, au temps où l’Andalousie était musulmane, il fut à la fois juriste, médecin, mais aussi philosophe, que les fameux « Commentaires » d’Aristote ont rendu célèbre dans le monde entier. Pétri de tradition classique, rationaliste, il fut le grand penseur de l’universel.
Auteur prolifique, Ibn Rushd a écrit plus d’une centaine de livres sur la philosophie et la médecine. Parmi ses oeuvres les plus importantes, on peut citer notamment Fasl al-Maqâl (Le Traité décisif), al-Kashf ` an manâhij al-adilla fi aqâ’id al-milla (Dévoilement des méthodes de démonstration des dogmes de la religion) et Tahâfut al-Tahâfut al-falâsifa li-l-Ghazâlî (Destruction de la Destruction des philosophes d’al-Ghazâlî).
Philosophe pluridisciplinaire
Penseur rationaliste, Ibn Rush a dans tous ses écrots insisté sur la nécessité pour les savants de pratiquer la philosophie et d’étudier la nature créée par Dieu. C’est surtout par son puissant travail de relecture et d’interprétation de l’oeuvre du philosophe grec Aristote.
A la recherche du sens véritable des écrits d’Aristote, Averroès a utilisé plusieurs traductions et appliqué, pour mieux comprendre, une méthode logique. Il découvre dans les traductions anciennes du philosophe grec de nombreuses erreurs, de traduction, mais aussi des lacunes qu’il va s’efforcer de corriger dans son oeuvre majeure : les Commentaires. Dans ces commentaires, Ibn Rushd développe une pensée critique puissante d’Aristote.
Juriste dans le civil (il fut grand Cadi – juge suprême – de Séville), Ibn Rushd s’est toujours partagé entre diverses connaissances, différents champs du savoir, pour les confronter. Philosophe, il s’intéresse à la médecine. Médecin, il puise dans le droit et l’éthique. Pour lui, aucune connaissance n’était fondamentalement bornée, limitée.
Réconcilier la foi et la raison
Il fut aussi un grand réconciliateur, de la pensée antique et de la pensée moderne, de la foi et de la raison, de la philosophie et de la théologie. Pour lui, le Coran était une invitation, non à s’enfermer dans un dogme, mais à réfléchir, à s’ouvrir sur l’Autre et sur les connaissances. Tout son effort fut d’élaborer une connaissance rationnelle de Dieu, qu’il résuma à travers son fameux paradigme de l’Artisan divin : la connaissance de Dieu et de son acte de création s’apparent à celui d’un artisan.
« Si l’acte de philosopher ne consiste en rien d’autre que dans l’examen rationnel des étants, et dans le fait de réfléchir sur eux en tant qu’ils constituent la preuve de l’existence de l’Artisan, c’est-à-dire en tant qu’ils sont des artefacts — car de fait, c’est dans la seule mesure où l’on en connaît la fabrique que les étants constituent une preuve de l’existence de l’Artisan ; et la connaissance de l’Artisan est d’autant plus parfaite qu’est parfaite la connaissance des étants dans leur fabrique ; et si la Révélation recommande bien aux hommes de réfléchir sur les étants et les y encourage, alors il est évident que l’activité désignée sous ce nom est, en vertu de la Loi révélée, soit obligatoire, soit recommandée. »
La volonté d’Ibn Rushd de comprendre le Coran et, ainsi, l’oeuvre de Dieu à l’aide d’outils rationnels, logiques, tirés notamment de la philosophie grecque lui a valu bien des ennemis, et notamment les « littéralistes » qui estimaient que la parole du Coran suffisait et qu’il n’y avait pas besoin de l’interpréter.
Pour Averroès, « le Coran tout entier n’est qu’un appel à l’examen et à la réflexion, un éveil aux méthodes de l’examen ». Il n’a pas toujours été suivi…
Cette vidéo ci-dessous vous permet d’aller plus loin sur l’apport d’Ibn Rushd à la pensée islamique :